Je n’ai pas rédigé de billet sur ce blog depuis la rentrée car j’ai un peu de difficulté à décrire ce que je ressens sur le plan politique. Il y a d’abord de la honte. Mon pays n’est plus la Patrie des Droits de l’Homme et du Citoyen. En invoquant cet été la déchéance de la nationalité pour des criminels français d’origine étrangère, en ciblant par une circulaire les Roms comme ethnie à reconduire manu militari à la frontière pour servir d’exemple à tous les « sans papiers », Nicolas Sarkosy et son gouvernement réduisent notre pays aux heures les plus sombres de son histoire. La presse étrangère ne s’y trompe pas quand elle se gausse du tyranneau français. On ne peut que lui donner raison quand on découvre que l’Etat mobilise ses services secrets pour museler les sources d’information du journal « Le Monde ».
A ma honte se mêle la colère car nous savons tous maintenant qu’en jouant sur les peurs, la politique sécuritaire du Président n’est que politicienne. La charge contre les Roms est proportionnelle aux charges qui s’accumulent dans le cadre de l’Affaire Bettencourt-Woerth. Le bric-à-brac coercitif de la loi Loppsi 2 pour « la performance de la sécurité intérieure » est à l’image du strict contrôle exercé par l’Elysée sur les parlementaires de sa majorité. Sur la sécurité, comme sur tous les autres dossiers, ce Président va préférer ne rien céder, multiplier les lois et les décrets, même s’ils sont inconstitutionnels, afin tenir fermement les rênes de l’agenda politique du pays jusqu’aux Présidentielles.
Preuve en est qu’il vient aussi d’obliger l'Assemblée nationale à annuler en commission des Lois, les profondes modifications apportées en juillet par le Sénat au projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales. Il y aura un vrai bras de fer, au sein de la majorité présidentielle, entre les deux chambres ? Qu’importe ! Cela permettra à cet hyperprésident mal-aimé de compter les siens. De même, les syndicats souhaitent l'épreuve de force sur la réforme des retraites ? Qu'ils mettent la France en grève générale ! Cela permettra au Timonier élyséen de se montrer inflexible et ensuite de "se sacrer" guide d'un pays à qui il aura fait perdre le Nord...
Je suis inquiet car toute la stratégie politicienne mise en place depuis trois ans par ce Président consiste à déboussoler les consciences, à les fatiguer par d’innombrables débats jusqu’à les faire se coucher pour accepter l’inexorable, à savoir son mode personnel de gouvernement.
Ce mode de gouvernement est celui d’un « monstre doux », ni trop despotique, ni trop tyrannique, mais égotique, pervers et surtout expert dans la manipulation et le contrôle des esprits. Alexis de Tocqueville a mis en garde les citoyens contre cette dérive de la Démocratie. Selon le philosophe italien Raffaele Simone, l’Occident serait en train de virer à droite et nous serions déjà dans le cauchemar de Tocqueville. Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkosy, tous les deux affiliés au monde des affaires et des médias, seraient les caricatures de ce mode monstrueux de gouvernement.
Hommes de gauche, nous n’avons sans doute pas encore suffisamment pris conscience de cette évolution. Avons-nous vraiment mesuré que, partout dans l’Europe vieillissante, les crises de la modernité et de la mondialisation ont généré des chaos, des tourments et un épais terreau composé d’inquiétudes et de menaces, dans lequel seules la droite et l’extrême droite savent plonger, sans état d’âme, leurs racines pour se ressourcer et en tirer des forces ? Nous opposons nos valeurs de solidarité, la raison, l’analyse et la gestion avisée à l’intelligence perverse, pragmatique et opportuniste d’un monstre sans vergogne se nourrissant des peurs des uns et des autres ! Est-ce suffisant ?
Dans sa couverture, « The Economist », autrefois partisan de Nicolas Sarkosy, l’a fait disparaître sous le chapeau du Général Bonaparte. Prenons garde que, sous ce chapeau, ne soit pas en train de se concocter un 18 brumaire larvé et que, face aux affaires d’états qui pourrissent la crédibilité de ce gouvernement, ne sorte du chapeau un dictateur moderne, mature et rompu aux contradictions et divisions de notre pays, prêt à sur-jouer ce rôle de « monstre doux » que des français vieillissant repliés sur eux-mêmes pourraient appeler de leurs vœux. Comment parer à ce danger ?